Dimanche 28 janvier, 23h59, « je coupe mon téléphone pour une semaine, merci de me joindre sur mon téléphone fixe si besoin ». Mon réveil affiche 00h et c’est parti. Pendant une semaine, je vais devoir vivre sans cet objet qui, pourtant, accompagne presque chacun de mes gestes. Un prolongement de ma main ? Malheureusement peut-être bien… Comment vivre sans cet objet qui me permet de me déplacer, de rester connectée en permanence avec mes proches, d’écouter de la musique ou de regarder un film à n’importe quel moment ? Pour L’avenir a du bon, j’ai réalisé cette expérience.

Lorsque j’ai éteint mon téléphone le dimanche soir, mon temps d’écran affichait une moyenne de presque 5 heures par jour – un temps légèrement au-dessus de la moyenne nationale, selon le rapport état des lieux de 2024 de Data.ai, spécialiste de l’analyse des données mobiles. Mon activité principale : les réseaux sociaux – peu étonnant, pour une zillenial. Dans les transports, en attendant que mes pâtes cuisent ou encore avant d’aller au lit, je consomme beaucoup trop de Reels sur Instagram et envoie peut-être trop de snaps. Sauf qu’à partir du lundi 29 janvier et jusqu’au lundi suivant, avant-veille de la journée internationale sans téléphone portable, tout ça, c’est terminé. 

Un début compliqué

Pour commencer cette semaine déconnectée, j’ai troqué la douce sonnerie de mon iPhone et mes applis musicales pour l’agressif « bip-bip » de mon réveil numérique et le vieux poste radio hérité de mon grand-père pour écouter les informations. Une fois prête, la première véritable épreuve de ce défi se présente : prendre les transports en commun sans application. Habitant en banlieue parisienne, je suis dépendante des bus pour rejoindre la capitale. Et tout en marchant vers l’arrêt, je réalise ne pas avoir anticipé les horaires. Impossible de regarder sur mon écran fétiche : il ne reste plus qu’à espérer qu’il arrive rapidement pour ne pas avoir du retard.

Fort heureusement, je m’en sors : un premier signe qu’avec le téléphone, nous passons notre temps à courir après le temps et qu’il suffit parfois de se laisser porter. C’est lors de ce premier voyage – et des suivants – que je prends conscience de notre addiction collective. Autour de moi, beaucoup ont les yeux rivés sur l’écran. Écouteurs dans les oreilles, chacun fait abstraction du monde qui l’entoure. Je fais tâche avec mon exemplaire de One Piece, me dis-je, et regarde les quelques autres lecteurs avec un air de complicité – sans recevoir de coup d'œil réciproque, mais ce n’est pas grave. La marée de smartphones m’envahit mais je me sens bien. 

Arrivée au travail, un deuxième obstacle fait son entrée sur le ring de la vie sans smartphone. Une chanson dont j’attendais la sortie avec impatience est disponible et je meurs d’envie de la partager à mon amie. Celle-ci s’est d’ailleurs aussi prêtée à l’expérience, il nous est donc impossible de se parler virtuellement. Il faut prendre sur soi et attendre d’avoir un contact physique avec elle. Le désir de communiquer me démange tout au long de la journée et je me force mentalement à avoir autre chose en tête. Puis cela vient naturellement. Très vite, il ne me semble plus si vital d’échanger à tout bout de champ : je peux très bien discuter de cette fameuse chanson la prochaine fois que je verrai mon amie. En rentrant chez moi, je sors ma vieille platine vinyle, y place l’album Messy d’Olivia Dean et commence à préparer mon repas. Sans téléphone, impossible pour moi d’écouter une playlist sur une plateforme streaming.

Ce retour à l’ancien temps ne me déplait finalement pas autant que ce que je pensais. Je me rends alors compte qu’il est presque 22h et que je suis prête à aller me coucher. J’ouvre donc le livre de Panayotis Pascot, lit la moitié et me couche à 23h, soit environ deux heures plus tôt qu’à mon habitude.

L’importance du temps

Les journées passant, mon nouveau quotidien d’abstinente du numérique me paraît de plus en plus vivable. Je m'astreins aussi à ne pas communiquer ou scroller sans cesse les réseaux depuis mon ordinateur de bureau et c’est un peu comme si les portes du temps s’ouvraient devant moi.

Avec Internet, les réseaux sociaux, les téléphones et tout ce qu’ils permettent de faire, l’impression que nous sommes dans une quête constante d’optimisation du temps me tenaille au corps. Trouver le trajet le plus rapide, regarder ses e-mails dans les transports pour prendre de l’avance, envoyer un message à quelqu’un pour avoir une réponse rapidement : tout ceci n’est qu’une tentative désespérée de gagner de précieuses minutes ou secondes. Mais combien en passons-nous sur l’écran à essayer d’en gagner ?

Être coupée de cette vie m’a fait réaliser que le temps n’est pas quelque chose que l’on doit sans cesse optimiser et qu’en réalité, attendre son bus 20 minutes au lieu d’économiser 10 minutes sur un autre trajet n’est finalement pas si grave. En acceptant que je ne peux plus me battre, je me suis sentie moins stressée et j’ai pris le temps de penser. Lorsqu’on n’a plus de distraction, nous sommes contraints de réfléchir et rêver. Ça vous paraît simplet ? Rêver est pourtant une activité très lucrative.

Même si j’ai quand même pu joindre mes proches grâce à un téléphone fixe, je pense que cette semaine de déconnexion m’a fait le plus grand bien. Une fois qu’on accepte qu’on ne peut rien maîtriser, la vie paraît moins oppressante. J’ai pu lire une quinzaine de mangas, un livre et quelques articles scientifiques pour mon mémoire – chose que je n’arrive pas à faire lorsque je suis happée par mon téléphone. Résultat des courses : à la fin de la semaine, je suis passé de 5 heures d’utilisation quotidienne à deux minutes en une semaine. J’en sors persuadée que nous pouvons tous nous séparer de cet objet presque machiavélique, au moins quelques jours par an. Alors en cette journée mondiale sans téléphone portable, pourquoi ne pas tenter l’expérience ?

Autrice : Flavie R

Crédit Photo : izusek/iStock