# Fêtes 2022
Bien dans ses savates, ou l’histoire de l’inébranlable charentaise
Publié le 16 novembre 2022 à 23h00
La charentaise est plus qu’une pantoufle, c’est un emblème du patrimoine français. Silencieuse, ne rayant pas le parquet, chaude et durable, elle a de nombreuses qualités ! Malgré cela, sa survie a été menacée à moultes reprises. Elle revient en force portée par l’artisanat et quelques siècles de savoir-faire inégalable.
Souvenez-vous des visages déconfits des jeunes lors de leur visite au Musée de la pantoufle et de la charentaise dans le film culte d’Éric Toledano et Olivier Nakache « Nos jours heureux », mâchant mollement dans des biscuits secs alors que le guide parle avec passion de la célèbre tatane. Car oui, la charentaise est une pièce d’un vestiaire un peu désuet, autrefois conçue pour se glisser dans les sabots afin de sortir faire son jardin les orteils au chaud ou ne pas réveiller le roi. En 2022, elle est toujours aussi désirable. C’est simple, la charentaise fait partie du rituel hivernal tout comme les chocolats chauds, les feux de bois et les plaids en tartan : elle est douce, moelleuse et terriblement réconfortante.
Un savoir faire tri-centenaire
Elle aurait été inventée au 17ème siècle sous le règne de Louis XIV, avec les chutes de feutre issu de la fabrication du papier et de tissu militaire dans la région de la Charente. Vous avez bien lu : la charentaise est un excellent exemple d’upcycling, et ce, bien avant que le terme ne fasse son apparition. De plus, c’est un produit créé à partir de matières entièrement naturelles et résistantes telles que le coton ou la laine même si désormais, il en existe en tissus fantaisie. Car si, autrefois, la pantoufle était produite avec des chutes de tissus recylées, on en trouve désormais avec de nombreux coloris pour satisfaire la demande et les goûts de notre temps. Finalement, il n’y a que son procédé de fabrication qui n’a (presque) pas changé : le fameux « cousu-retourné », qui permet d’assembler la chaussure sans ajouter de colle. Un procédé est tout à fait écologique et durable.
Ce n’est que depuis 2019 que la charentaise bénéficie de l’Indication Géographique Protégée (IGP). Mais c'est aussi cette même année qu’elle a vu son avenir en péril. En effet, la Manufacture Charentaise, née de la fusion entre quatre ateliers historiques de la région, Rondinaud, la Manufacture Degorce, Ferrand et Laubuge (l’une des deux dernières entreprises en Charente à produire la traditionnelle pantoufle), a déclaré faillite en novembre 2019. Heureusement, l’histoire ne s’arrête pas là !
La Charentaise n’a pas dit son dernier mot
Forcé de constater un engouement pour le produit et désireux de vouloir protéger un savoir-faire de plus de trois siècles, Olivier Rondinaud a décidé de relancer l’entreprise familiale, ouverte en 1907 par son arrière-grand-père. Il se met à chiner des machines « cousu-retourné », les installe dans un ancien garage agricole près de La Rochefoucauld et réembauche 14 anciens employés – les véritables maîtres de cet artisanat - pour garantir une fabrication dans les règles de l’art et de la tradition.
L’objectif pour cette petite entreprise est de produire environ 120 000 paires par an, à la main et en France, pour séduire la clientèle d’habitués mais aussi un public plus large comme les plus jeunes ou les touristes friands d’artisanat local. Les confinements successifs et l’intérêt renouvelé pour les produits durables ont boosté la côte de la charentaise selon Olivier Rondinaud dans la Charente Libre en février dernier. Elle représente le confort et la fiabilité et demeure un présent très prisé sous le sapin. Idéale pour pantoufler !
Autrice : Carla P
Crédit Photo : AFP