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Le bricolage, l’art de la débrouille qui fait du bien à la tête et à la planète

Publié le 24 mai 2024 à 07h10

Avis aux adeptes de la scie électrique et aux experts de la pose de papier peint : ce vendredi 24 mai, c’est la journée mondiale du bricolage. Une occasion pour L’avenir a du bon de vous expliquer en quoi ce loisir populaire contribue à la fois à la préservation de notre planète et à notre bien-être.

Que l’on vive dans une petite surface ou une grande maison, il y a toujours quelque chose à rafistoler ou à rafraîchir chez soi. Un robinet qui goutte, une douche qui se bouche trop souvent, un mur jauni par les rayons du soleil, un tiroir coincé… Bien sûr, il est toujours possible – voire tentant – de  remettre ces travaux à plus tard ou de solliciter l’aide de professionnels. Mais les Français n’ont pas peur de se retrousser les manches et de se lancer. Et pour cause, selon une enquête Opinionway, 4 Français sur 10 se déclarent passionnés par le bricolage. Mais n’allez pas croire qu’il s’agit-là d'une affaire d’hommes : 39 % des femmes affirment jouer du marteau au moins une fois par mois ! Plusieurs raisons expliquent cet engouement national : il permet non seulement de réaliser des économies, de libérer sa créativité, de mettre à l'épreuve son ingéniosité… Mais aussi de se détendre en chassant ses pensées parasites.

Un art de la débrouillardise bon pour la planète

En 1962, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss – bricoleur à ses heures perdues –, écrivait dans La Pensée sauvage que ce loisir populaire était l’une des dernières occasions de création dans notre société : « Quelle que soit la fantaisie que s'assigne Pierre, Paul ou Jacques, le résultat ne sera jamais le même car il sera le fait de son histoire personnelle, telle qu'elle se traduit par tous les débris qu'il a accumulés dans ses tiroirs et qui sont l'expression concrète de son passé. C'est donc sa personnalité la plus profonde qu'il exprimera dans son œuvre. » L’attention accordée à la réparation d’une bibliothèque héritée par un grand-père disparu ne sera pas la même que celle donnée à un meuble acheté dans une grande enseigne de décoration. 

Cette idée de s'accommoder avec ce qu’on a sous la main s’explique aussi par l’origine étymologique du bricolage. Au Moyen-Âge, le mot bricole désigne une catapulte que les soldats montent directement sur le champ de bataille avec des morceaux de charpente rafistolés. Si l’engin de guerre disparaît rapidement, le terme entre dans le langage commun à la Renaissance pour qualifier un moyen détourné et habile de faire quelque chose. Et le sens a traversé les siècles. Aujourd’hui encore, le bricolage est considéré comme une activité qui s'arrange avec les éléments ou les situations grâce à l’ingéniosité.

De nos jours, il est également plébiscité comme un moyen de faire face aux défis climatiques. Dans un monde qui s’accélère, où les objets ne sont plus des choses à manipuler mais des marchandises à l’obsolescence programmée que l’on entasse, ce loisir nous incite à reprendre les choses en main. Et pourquoi ne pas réfléchir à ce que l’on a déjà et qu’on pourrait améliorer, plutôt qu'à ce qu'on pourrait avoir ou acheter ? C’est tout le propos de l’essai Éloge du bricolage, souci des choses, soin des vivants et liberté d’agir (Puf, 2023), écrit Fanny Lederlin. La philosophe fait le parallèle entre Wall-E, le petit robot nettoyeur qui décèle des trésors dans les déchets et le bricoleur qui garde précieusement des bouts de bois, de métal pour plus tard. Finalement, pour l’autrice, en adoptant la posture du bricoleur, on devient les chiffonniers d’un monde surexploité et surchargé qui découvre au milieu des rebuts de l’humanité et des restes d’une biodiversité épuisée, des trésors encore ignorés.

L'état de flow : comment bricoler fait du bien à la tête

Mais bricoler ne fait pas que du bien à la planète. Pour la neuroscientifique franco-libanaise Samah Karaki, il permet aussi d’atteindre l’état de flow. Concrètement, il s’agit d’une sensation de concentration pendant laquelle le corps et l’esprit sont entièrement immergés dans le moment présent, absorbés par une seule tâche. C’est un peu ce que ressent un surfeur au moment de prendre une vague, d’un joueur d’échec en pleine partie ou un cuisinier au début de son service. Lorsqu’on restaure une commode ou quand on se lance dans des petits travaux d’électricité, nous perdons le fil du temps. Vous pensiez avoir commencé il y a trente minutes et deux heures se sont écoulées ? Voilà l’une des conséquences les plus connues de l’état de flow. 
Selon les recherches du psychologue hongrois Mihaly Csíkszentmihályi, cette concentration particulière permet de se libérer de l’anxiété, mais aussi d’améliorer son bien-être mental, grâce à une expérience immersive et positive. Dans son livre Vivre la psychologie du bonheur (Éd Léandre Bouffard, 2004), l’auteur explique son hypothèse : « Les meilleurs moments de notre vie ne sont pas passifs, réceptifs, relaxants… Les meilleurs moments se produisent généralement quand le corps ou l’esprit d’une personne est poussé à ses limites dans un effort volontaire pour accomplir quelque chose de difficile et qui en vaut la peine. » Vous l’avez compris, le bricolage demande de faire preuve d’ingéniosité, de créativité, de bon sens, d’être malicieux et même, un peu subversif… Alors pour votre plus grand plaisir et celui de notre planète, ouvrez vos caisses à outils ! Et même aux bricoleurs du dimanche, on vous souhaite une bonne fête !

Autrice : Romane G

Crédits photo : Benjamin Lehman/Unsplash

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