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Cet été, je me mets à la vannerie
Publié le 28 août 2024 à 12h16
La vannerie, un artisanat vieux de plusieurs millénaires, suscite aujourd'hui un regain d'intérêt, tant pour ses qualités esthétiques que pour son approche écologique. Biodégradable, durable, locale et accessible à tous, elle a tout pour plaire. Pour en savoir plus, nous avons décidé de nous initier à cette pratique, le temps d’un atelier.
Il est la star de l’été et des marchés. Le panier tressé se décline dans toutes les tailles et formes pour transporter commissions ou affaires de plage. S’il n’a jamais disparu du paysage, de nos grand-mères à Jane Birkin, c’est qu’en plus d’être super pratique, il est résistant et durable. C’est en déambulant dans les allées d’un marché du Sud-Ouest que l'idée a germé : pourquoi ne pas s’initier à la vannerie ? Pourtant pas habile pour un sou, une journée de découverte semblait soudain à portée de main. Rendez-vous donc, lundi à 8 heures du matin.
Armée d’une part de quiche et d’un bon pull à une heure indue, direction un petit hameau près de Montbrun Bocage, en Haute-Garonne. C’est là que Thibault Poupard, notre prof pour cette intense journée, habite avec sa compagne Madalina, mais aussi cultive son osier et le tresse de mille façons. Originaire de la région de Tours, il s’est retrouvé dans une formation un peu par hasard à 16 ans. Sa mère lui montre un vieux panier en osier et lui explique que ce savoir-faire, « aucune machine ne peut le reproduire ». Par défi ou par curiosité, il se lance et c’est le coup de foudre. S'ensuit une série de voyages à travers le monde avant de poser ses valises dans les Pyrénées. Si, avec plus de 20 ans d’expérience, Thibault peut fabriquer des malles, rempailler des chaises ou construire de ravissants dômes, cette journée sera dédiée à la confection d’un panier classique (mais chic).
Un savoir faire 100% naturel
Après de nombreux virages sur les petites routes de montagne, le panneau « stage » apparaît enfin – la perspective d’un café bien chaud aussi. Les participantes sont sur le pas de la porte à faire connaissance. Malgré l’heure et la bruine matinale, l’enthousiasme est palpable. Pour certaines, ce n’est pas leur première tentative, tandis que pour d’autres, c’est une découverte qui se profile. Avant d’entrer dans le vif du sujet, Thibault nous emmène visiter ses champs d’osier. Contrairement à de nombreux vanniers, il cultive lui-même sa matière première, un choix qui lui permet de contrôler la qualité et la variété des brins. En hiver, avec l’aide de woofers venus des quatre coins du monde, il récolte les branches et les trie. Les longues tiges sont ensuite brûlées dans des cuves spécialement aménagées, une étape cruciale avant de pouvoir les travailler. Cette immersion dans les champs nous rappelle l’origine profondément naturelle de cet artisanat. Ici, tout commence par la terre, le climat, et un savoir-faire agricole qui, bien que simple en apparence, est essentiel pour obtenir un matériau de qualité.
Légèrement plus réveillées, direction nos postes de travail où nous attendent un poinçon, un couteau, une batte, un poids de 2 kilos et un sécateur posés près de plans inclinés. Plusieurs fibres naturelles, comme le rotin, le bambou ou la paille, sont employées dans la vannerie mais cette fois-ci, seul l’osier sera utilisé. Dès les premières étapes, il devient évident que la vannerie est un art exigeant, qui demande bien plus que de la simple dextérité. Fabriquer la base du panier, par exemple, se révèle être une tâche physique : il faut plier les branches sans les casser, forcer parfois pour les aligner correctement, tout en veillant à la symétrie et à la solidité de la structure. Chaque placement de doigt est crucial pour donner la forme souhaitée à l’objet. Les erreurs se paient cash, et il n’est pas rare de devoir défaire une section pour recommencer, plus attentivement cette fois. Le tissage en lui-même, rappelant certaines techniques de tricot, requiert de mémoriser des gestes répétitifs, de comprendre les motifs qui se dessinent, comme le fameux « devant-derrière ». La moindre distraction peut entraîner une irrégularité, un défaut qui, même minime, se verra sur le produit final.
Créatif mais sportif !
Au fil des heures, une certaine fluidité s’installe. Les mains s’habituent aux gestes, l’esprit se concentre, et l’on entre dans un état proche de la méditation, où chaque mouvement a son importance. Ce travail de patience, cette répétition presque hypnotique, invite à une réflexion plus profonde. La vannerie n’est pas seulement un artisanat manuel ; c’est aussi une philosophie de vie, une invitation à ralentir, à apprécier la lenteur et le soin apporté à chaque détail. Dans un monde qui valorise la rapidité et l’efficacité, prendre le temps de tresser un panier à la main semble presque subversif. Un acte de résistance contre l’obsolescence programmée.
Aujourd’hui, la vannerie attire une nouvelle génération, désireuse de renouer avec des pratiques plus durables et authentiques. Les ateliers se multiplient, les formations se diversifient, et de jeunes artisans se lancent dans cette aventure, portés par le désir de redonner vie à cet art ancestral. La transmission de ce savoir-faire est cruciale, car elle garantit la pérennité d’une tradition qui, bien que millénaire, reste résolument moderne dans son approche.
En sortant de l’atelier, mon panier à la main, je suis vannée mais plutôt fière. Peu manuelle, mes compétences se limitaient jusqu’alors à des sculptures pas très réussies en pâte à sel. Le panier est à peu près rond et semble solide, aucune catastrophe n’est à déplorer. Un franc succès en somme ! Les chances pour que je parvienne à reproduire ces gestes à la maison sont faibles, il faudrait prendre plusieurs cours (et des notes) mais pourquoi pas ! Au fil de cette expérience, nous avons pris conscience de l'importance du geste, de l'attention portée à chaque détail, et du respect des matériaux naturels. À travers cette immersion, nous avons découvert un métier d'art qui allie tradition et modernité, et qui, aujourd'hui encore, continue de séduire celles et ceux qui recherchent des objets authentiques et durables.
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Jimenezar/iStock