# Économie
Demain, une architecture décarbonée ?
Publié le 29 juin 2023 à 22h00
L’architecture a un impact pratique, visuel et sensitif sur notre environnement quotidien. Pourtant, on n’y prête pas toujours attention. Il est donc plus que jamais essentiel que les architectes du monde entier réfléchissent à leur discipline et proposent des solutions innovantes pour bâtir le monde de demain.
Début juin, le magazine Wired titrait « Pour construire un bâtiment plus écologique, il faut partir d’un ancien. » A l’heure où les éco-constructions fleurissent de part et d’autre du globe, l’intitulé peut surprendre. Pourtant, impossible d’oublier le faux pas des Tours Duo, pensées par Jean Nouvel. L'événement architectural de 2022 s’est rapidement fait épingler : « hautement énergivore », dénonçait par exemple Le Monde.
Les projets de construction les plus durables seraient donc ceux qui reposent sur le réaménagement et la réutilisation de structures anciennes, négligées voire jugées laides. Ces bâtiments, qui se trouvent souvent dans les paysages urbains, peuvent contribuer de manière significative à la réduction des émissions de carbone, des déchets et de la pollution liés à l'environnement construit. Même si les bâtiments existants sont parfois remplacés par de nouvelles constructions très efficaces énergétiquement, il faudrait entre 50 et 80 ans pour compenser l'impact environnemental de leur construction, expliquait Ian Zapata, de l'agence d'architecture Gensler, à Wired.
Raser pour reconstruire, la mauvaise idée
En effet, les matériaux de base utilisés dans les structures existantes, tels que le béton des fondations, l'acier des poutres de soutien et le bois des planchers, ont nécessité des émissions de carbone lors de leur production, façonnage, transport et assemblage. Par conséquent, démolir une structure existante revient à gaspiller toute l'énergie investie dans la création de ces matériaux. La démolition elle-même nécessite également de l'énergie, et les déchets doivent être transportés vers des sites d'enfouissement. Si l'on considère également l'énergie et les émissions nécessaires à la fabrication, au transport et à l'assemblage des matériaux d'un nouveau bâtiment, il devient évident que l'utilisation de ce qui a déjà été construit est l'option la plus durable sur le plan environnemental.
Le bâtiment le plus durable est donc bien celui qui existe déjà. Et c’est de ce constat que certains architectes partent pour mettre en oeuvre des projets de « réutilisation adaptative ». Cette pratique constituerait en soi une grande victoire pour le climat. Ce son de cloche retentit à Venise, où la Biennale d’architecture bat son plein. Depuis mai, professionnels et amateurs affluent vers la Sérénissime pour découvrir les pavillons nationaux. Cette 18ème édition, intitulée « Le laboratoire du futur », met justement en avant des modes de construction qui minimisent l'impact sur les personnes et la nature, voire qui ne nécessitent pas de construction du tout. Sous la direction de la commissaire, architecte, écrivaine ghanéenne-écossaise, Lesley Lokko, l’objectif de la manifestation est clair : présenter des approches architecturales novatrices, différentes des traditions occidentales qui ont souvent exploité les ressources naturelles et spolié les richesses d'autrui, en mettant l’Afrique et sa diaspora au cœur de cette exposition.
Expérimentations vénitiennes
Une exposition que L’avenir a du bon a eu la chance de visiter. Et ce n’est pas peu dire que les trouvailles ont été nombreuses. La Finlande annonce la disparition des chasses d'eau en présentant une cuvette de toilettes en céramique cassée, partiellement enterrée dans une fosse rectangulaire, sorte d’hommage à Marcel Duchamp. Dans le pavillon belge, une structure en bois provenant de la forêt de Soignes est recouverte de 640 panneaux en mycélium (champignons). De loin, cela ressemble à une pierre naturelle de couleur sable mais pas question de se laisser avoir ! En s’en approchant, les spectateurs peuvent en apprécier toute sa texture organique. L'Allemagne, quant à elle, met l'accent sur le réemploi en utilisant les résidus de la Biennale d'art 2022 dans son pavillon. Le Pavillon du Brésil a quant à lui remporté le Lion d’Or de cette édition grâce à son projet Terra (Terra). Tout le sol et les présentoirs de l'espace d'exposition ont été réalisés avec de la terre, permettant aux visiteurs d'établir un lien direct et physique avec les terres indigènes et l'architecture locale brésilienne.
Cette Biennale annonce un avenir post-climatique où "décolonisation" et "décarbonisation", selon les termes de la commissaire Lesley Lokko, vont de pair. Les pratiques, technologies et coutumes liées à la gestion et à la production des terres, ainsi que d'autres approches de l'architecture, sont enracinées dans la terre et portent les connaissances ancestrales qui permettent de donner une nouvelle signification au présent et d'envisager d'autres futurs, plus désirables.
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Fahroni