Visiter Rome, ça se fait au moins une fois dans une vie. Déambuler dans les petites rues pavées, regarder le soleil se coucher sur le Tibre, marcher sur les pas de Jules César et d’Audrey Hepburn, et se laisser porter au rythme des petits miracles que nous offre la capitale. Pour vivre pleinement la dolce vita dans la cité éternelle, un arrêt est obligatoire à la fontaine de Trevi. Ce monument de style baroque datant du XVIIIe siècle, est un véritable mastodonte de pierre, gardé par la police à toute heure du jour et de la nuit. Ces derniers observent d’ailleurs quotidiennement un curieux ballet : celui d’inconnus qui se succèdent et qui, sans se concerter, jettent chacun à leur tour une pièce de la main droite par-dessus leur épaule gauche.

Une tradition aux répercussions méconnues

À en croire la légende, les pièces de monnaie deviennent des messagères d'espoirs et de rêves à leur arrivée au fond du bassin. Que ce soit pour assurer un retour dans la città eterna, rencontrer l'amour de sa vie ou espérer un beau mariage, les visiteurs, par milliers chaque jour, participent à ce rituel antique. Cette tradition trouve peut-être ses racines dans les coutumes des anciens Romains, qui effectuaient des offrandes similaires pour obtenir les faveurs des divinités de l'eau. 

Aujourd’hui, les vœux susurrés ont sans doute un peu changé. Mais ce qui est véritablement intéressant, c’est que ce sont les rêves des personnes dans le besoin que la fontaine de Trevi permet de réaliser. Depuis 2002, l’argent jeté — non pas par les fenêtres mais dans l’eau — est récolté pour les bonnes œuvres grâce à un accord entre la municipalité et le vicariat de Rome. Cet accord permet à l’association caritative « Caritas Rome » d'utiliser ces fonds pour ses projets sociaux. Cette année, le renouvellement de cet accord a été approuvé pour encore trois ans, comme l’écrit le Metropolitano, confirmant que les fonds continueront d'être versés à l’association pour des activités caritatives et d'utilité sociale.

En moyenne 1,5 million d’euros récoltés chaque année

L'Acea, l'entreprise multi-utilitaire qui gère, entre autres, l'hygiène publique de la capitale, en collaboration avec la police locale, récupère les pièces au moins trois fois par semaine.  Les frais de gestion de la collecte absorbent environ 6 % du total, le reste étant consacré à l'aide apportée par Caritas aux personnes en proie à des difficultés économiques, professionnelles ou de santé. En 2022, la somme de 1 432 953,74 euros avait été collectée, soit près de 33 000 kg de pièces. En 2023, la collecte avoisinerait les 1 600 000 euros selon le directeur de Caritas, Giustino Trincia au journal Il Gazzetino. 

Si Caritas gère depuis quasiment deux décennies la collecte des monuments romains, la fontaine de Trevi demeure la plus importante pour ses projets sociaux. La moyenne annuelle de 1,5 million d'euros représente environ 10 % du budget romain, contribuant à des initiatives telles que les Empori della solidarietà, sorte de supermarchés solidaires, et aident près de 2 000 familles chaque année. En plus des repas gratuits offerts dans les cantines sociales, des contributions sont fournies aux familles en difficulté pour les aider à payer leurs factures. Les fonds permettent également de financer des projets d'insertion professionnelle, des activités pour les enfants, des centres d'intégration sociale et des cours d'italien pour les étrangers. 

La fontaine de Trevi n'est pas la seule à être témoin de tels rituels. D’autres endroits à travers le monde, du lac de l'hôtel Bellagio à Las Vegas aux eaux de Disney World, démontrent que cette pratique transcende les frontières. Cependant, à Rome, la fontaine de Trevi se distingue par l'ampleur de son impact. Au-delà de sa beauté architecturale, elle se positionne comme un symbole vivant de solidarité, rappelant au monde comment un simple geste peut être une force motrice pour le bien commun. Comme quoi, ils ne sont pas si fous que ça ces Romains !

Autrice : Carla P

Crédit Photo : resulmuslu/iStock