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Faut-il augmenter les prix des musées pour les touristes ?
Publié le 9 mai 2023 à 22h00
Les musées du monde entier sont confrontés à des défis financiers, ce qui incite à envisager l'augmentation des droits d'entrée pour les touristes comme une solution potentielle. Le débat est plus vif que jamais.
C’est en Italie que ça se passe. Le célèbre Musée des Offices de Florence a mis en place un tarif pour les touristes en haute saison afin de faire face à l’inflation qui impacte directement la survie du lieu. Résultat, l’accès à la galerie des Statues et des Peintures est passé de 20 à 25 euros début mars. Du côté de Rome, le ministère de la culture et le chapitre de la basilique de Santa Maria ad Martyres-Pantheon ont signé l'accord qui prévoit l'introduction d'un billet d’environ 5 euros pour l’entrée au Panthéon, le site le plus visité de la ville par les touristes. Les recettes seront divisées entre le ministère et le diocèse de Rome. Seuls les touristes seront concernés, a voulu rassurer le ministre Gennaro Sangiuliano en affirmant que « les citoyens de Rome seront exclus du paiement ».
Alors que le financement des musées continue de poser problème, nombreux dans le monde se sont confrontés à la question de savoir comment maintenir leurs activités et préserver leurs collections. L'augmentation des droits d'entrée pour les touristes est une solution maintes fois avancée. Alors que les musées s'appuient traditionnellement sur un ensemble de sources de financement, dont les subventions gouvernementales, les dons privés et les cotisations des membres, l'augmentation des coûts et la diminution des ressources financières ont conduit certains musées à considérer l'augmentation des droits d'entrée comme une option viable. Les partisans de cette idée affirment que l'augmentation des droits d'entrée pour les touristes pourrait fournir des revenus indispensables pour soutenir le fonctionnement des musées, améliorer l'expérience des visiteurs et assurer la préservation d'objets culturels précieux pour les générations futures. Toutefois, cette proposition n'est pas sans susciter la controverse, car les critiques s'inquiètent de l'impact potentiel sur l'accessibilité, l'équité et l'inclusivité.
Un patrimoine de moins en moins accessible aux populations locales
Les opposants à ce projet citent notamment la question de l’accessibilité à la culture. En augmentant les prix, seules les personnes capables de débourser des sommes importantes pourraient accéder aux musées. Ainsi, il faudrait plutôt réfléchir à comment rendre ces institutions gratuites pour tous. En effet, selon la dernière publication du ministère de la Culture, portant sur la fréquentation du patrimoine (Patrimostat, septembre 2021), il est indiqué que 4 Français sur 10 ont renoncé à une visite d’un musée en 2019 en raison de tarifs jugés trop élevés.
Ce renoncement est plus fréquent chez les individus ayant des revenus inférieurs au revenu médian. Dans 82 % des cas, le plein tarif était supérieur à 10 €, tandis que 74 % auraient accepté de payer un tarif adulte inférieur à 11 €. Ces données mettent en évidence que le coût d'entrée peut être un facteur dissuasif pour de nombreux visiteurs, en particulier ceux ayant des revenus modestes, et suggèrent qu'une réévaluation des tarifs à la baisse pourrait encourager les locaux à une plus grande fréquentation des sites culturels.
Certes, la question de l’accessibilité tarifaire pour tous est incontournable. Cependant, dans une tribune récente parue dans Le Monde, le journaliste et rédacteur en chef de la publication, Michel Guérin rappelle à juste titre que « les touristes étrangers profitent [des musées] en écrasante majorité mais participent peu à son entretien, alors que les Français y vont peu, trouvant qu’il y a trop de touristes, et le financent par l’impôt. ». Imposer une hausse des tarifs auprès des touristes permettrait donc, quelque part, de favoriser les locaux et tirer profit de leur fréquentation en utilisant les recettes pour financer le patrimoine. La question est complexe et laisse penser qu’il faudrait envisager de couper la poire en deux.
L’accès sur don, une fausse bonne idée ?
Pour rendre ses institutions plus accessibles, certains misent sur la base du don. Seulement, ce n’est pas toujours très incitatif et le Metropolitan Museum of Art de New York en est témoin. Alors que, jusqu'en mars 2018, le musée appliquait la politique du « pay-what-you-wish » (payez ce que vous voulez), il a dû augmenter son prix d'entrée général en 2022 de 25 à 30 dollars. Face à la baisse de fréquentation, le musée était confronté à un déficit écrasant estimé à environ 40 millions de dollars.
Dans The Art Newspaper, l’ancien directeur du musée, Daniel H. Weiss avait déclaré que cette politique de paiement sur la base de don avait « fondamentalement échoué » et qu'elle ne pouvait pas soutenir le musée, qui a besoin de « ressources importantes » pour fonctionner. Parmi les 7 millions de visiteurs annuels, trop peu s’acquittent du « don suggéré », ce qui, selon Weiss, s'explique par divers facteurs tels que l'évolution démographique des visiteurs, avec un public plus jeune et plus diversifié, et que l’idée de don « recommandé » pouvait prêter à confusion.
En 2011, un rapport intitulé « Valoriser le patrimoine culturel français » , rédigé par les économistes Françoise Benhamou et David Thesmar du Conseil d'analyse économique (CAE), avait déjà été présenté au Ministère de la culture dans le but de venir en aide au patrimoine national. Pour eux, puisque le tourisme est « le premier bénéficiaire de notre patrimoine », il serait légitime « de faire participer davantage » ce secteur à l'entretien et à la valorisation des sites, monuments et musées en doublant les tarifs d’entrée des institutions culturelles aux touristes non Européens, comme cela arrive dans de nombreux pays. Ce document de 168 pages n’a jamais abouti sur une réforme malgré des propositions nuancées.
Le débat est donc relancé en cette période d’inflation et de crise du coût de l’énergie. En 2022, les touristes étrangers ont rapporté 57,9 milliards d’euros à la France, un chiffre record qui pourrait peut-être peser dans la balance et venir en aide aux musées.
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Chuyn