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La folle histoire du club sandwich
Publié le 11 juin 2024 à 09h00

Au royaume des en-cas salés, le club sandwich reste roi. À la fois populaire et gastronomique, voici comment il a réussi à s’imposer dans notre quotidien sans jamais perdre de sa superbe.
Rapide, pratique et réconfortant. Le sandwich triangle, c’est le repas qu’on avale dans la rue entre deux rendez-vous, sur une aire d’autoroute un peu glauque, mais aussi dans une chambre d'hôtel cossue. Du classique poulet-bacon-tomate-laitue, à l’exotique homard et mayonnaise épicée, en passant par le végétarien au concombre et fromage frais, il s’est imposé comme un classique de la cuisine mondiale. Mais plus question de s’arrêter au supermarché ni d’aller le chercher dans les palaces : le sandwich sous sa forme club (avec un pain de mie coupé en triangle, ndlr) se réinvente dans de petites échoppes de rue qui mettent un point d’honneur à sélectionner des ingrédients de qualité, le décorum en moins. Spoiler alert : nos estomacs en redemandent !
Un héritage populaire
À certains égards, le club fait partie du pire de ce qu’on peut trouver dans la cuisine moderne. Et pour cause, dans sa version industrielle, celle connue du grand public, le pain de mie est généralement garni d’ingrédients pas toujours identifiables et de sauce coupée à l’eau. Pourtant, au pays de la baguette superstar, 60% des sandwiches distribués en grande surface sont fabriqués avec un pain de mie mou coupé en deux. Un chiffre colossal quand on sait que 2,7 milliards de sandwichs sont consommés chaque année en France.
Si aujourd’hui toutes les chaînes de supermarchés et enseignes de restauration rapide proposent des sandwichs triangles sous vide, ils ne sont commercialisés sous cette forme que depuis 44 ans. Eh oui, le club sandwich est contemporain du burger et du hot dog ! En effet, l’année 1980 marque un tournant dans l’histoire du sandwich quand le département marketing de l’entreprise britannique Marks and Spencer se lance un défi : en vendre avec ce qui se conserve le mieux et à moindre coût pour rassasier les ouvriers pendant leur pause-déjeuner. « À l’époque, personne n’imaginait que ça fonctionnerait. Ceux qui ont fait le premier test dans le magasin d’Edimbourg pensaient qu’il était ridicule de vendre quelque chose qu’on pouvait fabriquer si facilement chez soi, explique Hirmane Abdoulhakime plus connu sous le nom The Dwichtorialist, roi autoproclamé du sandwich en France, qui l’analyse sous toutes les coutures sur son compte Instagram. Si les premières recettes sont très simples : saumon et concombre, oeuf et cresson, à la surprise générale les clients affluent en masse, et l’enseigne embauche de nouveaux salariés pour répondre à la demande exponentielle des clients.»
Des industriels s’engouffrent ensuite dans la brèche, appâtés par la manne financière de ce nouvel encas salé. Et en quelques années seulement, le triangle devient un classique mondial de la restauration rapide. « Malheureusement, comme ces produits étaient fabriqués dans le but de dégager le plus de marge possible et s’adressaient avant-tout à une population qu’on ne jugeait pas très regardante, les produits étaient de très mauvaise qualité », regrette le spécialiste français du sandwich.
La vie de Palace du club sandwich
Mais le triangle n’inonde pas que les milieux populaires. Depuis la fin du XXe siècle, il mène une double-vie chez les plus fortunés. Presque toujours à la carte des grands palaces, il est servi sous l’appellation « club sandwich » où il est vendu plus de dix fois son prix de supermarché. Un sandwich de haute volée qui sied à la légende qui veut que le premier « club » ait été préparé en 1894, par l’un des membres du Saratoga Club House, une maison de jeu de l’État de New York. Pris d’une grosse fringale nocturne, il aurait régalé ses camarades.
Quelques années plus tard, la première recette officielle est publiée dans le Good Housekeeping Everyday Cookbook de Isabel Gordon Curtis : « Sur une tranche de pain de mie légèrement toastée et beurrée, on dépose le bacon grillé, puis une portion de viande blanche, une épaisse rondelle de tomate, une feuille de laitue et une couche de mayonnaise, avant de refermer le tout avec une autre tranche de pain. » Rien ne vous choque ? Dans sa version originale, le club sandwich est composé de deux tranches de pain. Aujourd’hui, il en a trois, ce qui explique qu’outre-Atlantique on l’appelle aussi « double-decker », soit sandwich à double étage. Autre changement important : désormais, les chefs préfèrent découper finement chaque ingrédient et faire tenir le tout avec un petit bâtonnet pour faciliter la découpe en triangle.
Selon, Hirmane, notre expert en sandwich, le succès du club dans l’hôtellerie de luxe s’explique avant-tout par le choix de son ingrédient star : « Quand vous avez des clients qui vous commandent des sandwiches au beau milieu de la nuit, vous avez intérêt à privilégier le pain de mie. Contrairement à la baguette qui devient molle ou trop dure au bout de quelques heures, la tranche supporte la conversation et se bonifie lorsqu'elle est légèrement toastée.» Preuve de son succès, depuis quelques années, il existe même un Club Sandwich Index (CSI) calculé par le site Hotels.com, qui répertorie le prix moyen de ce plat star par pays.
Le club sandwich se réinvente grâce à la street food
Aujourd’hui, et pour le plaisir du plus grand nombre , le club est en train de finir sa mue loin des rayons de supermarché et des plateaux de room service grâce à une nouvelle génération de chefs, bien décidés à le mettre à l’honneur en jouant sur son côté nomade. En effet, alors que le kebab et le burger nécessitent de s’attabler pour être dégustés, le club sandwich a un avantage de poids pour les citadins pressés : il s’enfile en 3 minutes montre en main. Mais pas question de le bâcler pour autant.
« Aujourd’hui, on fait tellement attention à ce qu’on mange, qu’il n’est plus possible de proposer des produits qui ne soient pas en partie issus de l’agriculture biologique ou raisonnée, un peu locavore, et qui s’adaptent aux saisons, analyse notre homme-sandwich. Pour faire mouche, le sandwich doit être aussi beau que bon. Et c’est vrai qu’avec ses trois étages et ses produits de qualité qui s’adaptent à tous les palais, il est parfaitement calibré pour faire de nouveaux adeptes. » En jetant les pots de mayonnaise industrielle pour ne servir que des sauces montées à la main et en le garnissant de beaux morceaux de poulet plutôt que des tranches de jambon de dinde, ces cuisiniers font des émules. Impossible de ne pas évoquer le succès de Mamiche qui vient d’ouvrir sa troisième boutique dans la capitale et de la boulangerie The French Bastards, qui en cumule déjà six à Paris. Vous salivez déjà ?
Les meilleures adresses de club sandwich d’Hirmane de The Dwichtorialist :
- Le meilleur pain : Les sources de Caudalie, hôtel 5 étoiles de la région de Bordeaux
- La meilleure déclinaison végétarienne : Le Shangri-La, Paris 16e
- Le plus américain : Le coffee parisien, Paris 6e
- Le plus street food : Janet by Homer, Paris 3e
- Le plus abordable : Mamiche, Paris 9e, 10e
- Le meilleur club industriel : Marks and Spencer
Autrice : Romane G
Crédit Photo : Ilia Nesolenyi/iStock