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De la mode à la pâtisserie, l'art de se réinventer selon Adrienne Ribes
Publié le 12 août 2024 à 09h55
Du papier glacé au sucre glace, il n’en faut parfois pas beaucoup. Et ce n’est pas l’ex rédactrice en chef de L’Officiel qui va dire le contraire. Adrienne Ribes a fait ses armes dans la presse féminine à vivre la démesure de la mode pour le meilleur et pour le pire. Après 20 ans, la journaliste a décidé de se consacrer à la pâtisserie et la promotion d’une alimentation plus durable et engagée. Rencontre.
Tout quitter pour pâtisser ? Le rêve. Adrienne Ribes l’a fait. Son CAP en poche en 2022, elle lance « Casse Museau », un service de traiteur sur mesure, un concept qu’elle connait bien. Car avant de régaler les palais, Adrienne a vécu une autre vie : celle de journaliste de mode pour Vogue, Grazia ou encore L’Officiel. Seulement, le vent tourne dans le milieu de la presse. Désireuse de garder son enthousiasme et de prendre les devants, Ribes décide de se réinventer. Elle envisage de s’orienter vers la naturopathie, motivée par son intérêt pour la nutrition mais c'est finalement sa passion pour l'esthétique et la création qui la porte vers les arts culinaires. Désormais installée dans les Yvelines, dans sa maison de famille, elle profite de cette région riche en producteurs locaux et en ressources naturelles. Ici, elle a pu créer une pâtisserie durable, s'engageant fermement pour les circuits courts et le zéro gaspillage. Rencontre avec une femme audacieuse au service du beau et du bon.
Comment vous est venue l'idée de changer de voie ? Quel a été le déclic ?
Adrienne Ribes :
J’ai été journaliste pendant près de vingt ans, surtout dans les magazines féminins, spécialisée dans la mode. J'ai un diplôme de sociologie politique, mais mon rêve était d'être journaliste car cela me permettait de garder un esprit ouvert et de rester au contact des autres. Mais avec le temps, la presse papier a beaucoup changé. Je ne voulais pas devenir aigrie et perdre mon enthousiasme. J'ai toujours cherché à voir la beauté et la poésie dans la vie. Le confinement a été un moment de réflexion. J'ai rejoint un groupe solidaire appelé « Vos gâteaux » pour livrer des repas au personnel des hôpitaux. C'était concret, satisfaisant et humain. Cela m'a fait réaliser que la cuisine répondait à mes aspirations esthétiques et humaines. Avec le soutien de mon mari, j'ai décidé de me lancer dans ce domaine. J'ai choisi l'école de boulangerie pâtisserie de Paris et, après une formation intensive, j'ai réussi mon CAP.
Sacré changement de vie !
AR :
Pendant cette période, j'ai fait des stages dans divers endroits, comme le Sénat et la boulangerie Sain à Paris, qui travaille uniquement avec des produits bio et des farines de grande qualité. C'était dur physiquement, mais tellement galvanisant ! Traverser Paris à vélo à cinq heures du matin pour rejoindre les cuisines était une expérience exaltante. J'ai appris énormément et rencontré des personnes qui m'ont fait avancer dans ma réflexion. Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai utilisé mon réseau dans la mode pour lancer mon entreprise. Je me suis concentrée sur des valeurs importantes pour moi : la qualité, la saisonnalité et l'utilisation de produits bio et locaux. Mon idée était de réinventer des recettes classiques avec des saveurs actuelles. Par exemple, un flan vanille, une tarte au citron, ou une charlotte aux fraises, mais avec des épices et des herbes fraîches pour plus de goût et de saveur. Pour moi, la cuisine doit être simple mais savoureuse et belle.
D'où vient cette passion ?
AR :
Je dirais que ça remonte à mon enfance passée en Normandie avec ma grand-mère. Nous en faisions souvent ensemble, et c'était un moment de plaisir et de calme pour moi. Je n'ai jamais cherché à me lancer dans des défis techniques, mais plutôt des créations simples et émouvantes. Il y a une scène dans Il était une fois en Amérique qui m'a marquée quand j'étais petite, où Patsy passe devant la boulangerie et qu'il dévore des Charlottes russes des yeux. C’est cet émerveillement que je cherche.
Comment est venu ce nom de Casse Museau ?
AR :
Franchement… par hasard total. Je cherchais un nom, et je ne voulais pas utiliser le mien. Je voulais quelque chose de français avec beaucoup d'humour parce que je ne me prends pas trop au sérieux. J'arrive sur le marché tard, je ne me prends pas pour une star. Je suis tombée sur « Casse Museau » dans mes recherches. J'ai trouvé ça très humoristique et en même temps, c'est une pâtisserie boulangère, pas prétentieuse, pas sophistiquée. Ça avait du sens, une histoire, c'était symbolique, avec plein d'interprétations, peut-être moyenâgeuses, mais c'était régional.
Quitter la ville faisait partie de ce grand plan de reconversion ?
AR :
J'ai quitté Paris parce qu'il y a énormément de monde et de propositions. Mais ce n'était pas le plus gros problème. Le vrai souci, c'était de trouver un laboratoire accessible et abordable, ce qui est hyper difficile à Paris. Je ne voulais pas de boutique ni de charges salariales, je voulais garder ma liberté. J'avais envie d'un format sur mesure, avec des clients sensibles à mon approche. Nous habitons dans les Yvelines depuis juillet dernier, dans la maison où j'ai grandi, une région que je connais bien. Il y a plein de fermes, de producteurs, de lieux pour la cueillette, c'est super.
Pourquoi est-ce si important pour vous de vous orienter vers une pâtisserie plus durable et responsable ?
AR :
La manière dont on choisit de produire a un impact. On a une responsabilité collective par rapport à l'impact sur la planète et sur notre corps. Des études montrent que l'alimentation peut éviter certaines maladies et prolonger la vie. Parfois, il vaut mieux choisir du local non bio plutôt que du bio éloigné, pour réduire l'impact écologique. Soutenir des agriculteurs locaux, c'est aussi soutenir un engagement différent pour l'avenir.
En termes de goût, il y a vraiment une différence. Depuis octobre dernier, je travaille avec un maraîcher bio local. Il m'amène des fruits et légumes « moches », considérés comme « invendables » que je retravaille en quiches par exemple, dans une démarche zéro gaspillage. Il y a énormément de gaspillage alimentaire aujourd'hui. Il faut arrêter de parler de transition écologique, on est déjà dans le dur. Il y a une urgence à agir.
Quel moment a été le plus gratifiant depuis votre reconversion ?
AR :
C'est difficile à dire, il y a eu plein de moments. L'école et les stages, même si c'était dur, étaient hyper satisfaisants. Professionnellement, ça me manquait. Recevoir des messages de personnes que je ne connais pas, qui disent que c'est super bon, ça me rend fière et ça me touche.
À Maule, il y a une chocolaterie familiale extraordinaire : la Chocolaterie Colas. Quand je me suis lancée, je suis allée les voir pour un client. J'avais eu l'idée de faire une semelle de mocassin picot en praliné sur un gâteau. Ils ont adoré et ont commencé à me commander des choses. La première fois, j'étais flippée, mais quand ils m'ont dit que c'était super bon, j'ai ressenti une vraie satisfaction. Chaque commande est un challenge pour moi.
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui voudraient changer de carrière comme vous ?
AR :
D'abord, ne pas avoir peur. C'est notre vie, c'est nous qui la menons avant tout. Il faut être bien entouré, pouvoir échanger, avoir une base solide. Sans mon réseau, mon background, ma famille, ça aurait été beaucoup plus difficile. Ensuite, il faut se faire confiance, ne pas avoir peur. Si on n'est pas bien dans ce qu'on fait, il faut changer. La force, on l'a. C'est plus dur quand on est seul avec des enfants à charge ou des crédits. Il faut accepter de revenir à zéro, de se serrer la ceinture. Il faut se retrouver dans ce qu'on fait, c'est primordial pour être heureux.
Quelques recettes estivales d'Adrienne Ribes à retrouver sur le compte Instagram leboncoin :
Autrice : Carla P
Crédit photo : Jeanne Laguardia