# Lifestyle
À boire, à manger… et à porter, quand les restaurants sortent leurs goodies
Publié le 2 avril 2023 à 22h00
Le t-shirt est certainement la pièce la plus basique de nos dressings, mais elle est aussi la plus pratique pour véhiculer des messages et se faire entendre par la voix des vêtements. Cette fois, c’est le monde de la food qui s’empare de cette tradition, souvent pour une question de cool, parfois pour une question de survie.
« Ouah, tu as vu, ils ont sorti un nouveau teesh ! », s’exclame Pierre devant le cintre pendu entre deux bouteilles de digestifs au Café du Coin (Paris, 11e). Un pop-up d’une petite marque confidentielle comme il est désormais si courant ? Non, un simple t-shirt à l’effigie du restaurant. Bob, tote bag et panoplies colorées… prendre en photo son plat pour le partager avec ses copains via les réseaux sociaux ne suffit plus, désormais on porte nos meilleures adresses sur soi, directement.
La vente de goodies par les restaurants n'est pas un phénomène nouveau. En fait, cela remonte probablement à plusieurs décennies, notamment aux Etats-Unis où l’on proposait des souvenirs comme des tasses, des verres ou des cendriers que des coquins glissaient dans leurs poches entre le café et l’addition. La vente de t-shirts est un moyen pour les restaurants de générer des revenus supplémentaires tout en faisant la promotion de leur marque et en renforçant les liens avec leurs clients. Seulement, depuis le confinement, ces goodies pullulent. En effet, quand les restaurants avaient dû fermer complètement lorsqu’ils ne pouvaient pas faire de vente à emporter, il avait fallu trouver une solution pour maintenir la comptabilité à flot.
Soutenir son adresse favorite
A Rome, au rade le plus cool de Trastevere, le « San Calisto », il fallait à tout prix sauver cette institution ouverte quasiment en continu depuis 1969. Les premiers t-shirts sortent : le logo devant, la carte des boissons derrière. C’est un carton plein. Suivent de nouveaux designs, des stickers et même des chaussettes aux couleurs de la Peroni, la seule bière servie au bar. Désormais, chaque « drop », chaque sortie de nouveaux produits, est suivi par les fans de l’endroit comme s’il s’agissait d’une grande marque de fringues.
En France, 2 046 établissements auraient mis la clé sous la porte à cause de la pandémie, selon le site spécialisé CHR. Pour éviter le pire, le Chateaubriand, dans le 11e arrondissement de Paris, s’est improvisé pizzeria pour continuer à faire chauffer la machine selon les règles gouvernementales en vigueur en 2020. Pour que l’idée fonctionne, il fallait faire passer le mot. Sort ainsi un t-shirt devenu collector, aux couleurs rouges et blanches comme les nappes de trattorie italiennes. Celui-ci se vend comme des petits pains - ou des petites pizze - dans un quartier entièrement bloqué et où la nouveauté se propage vite.
Les gastronomes en raffolent
Si la pandémie est passée, cette tendance perdure. Le t-shirt de resto serait même le nouveau t-shirt de concert, selon le quotidien britannique The Guardian en 2021. D’ailleurs, pour Pierre, notre dandy gastronome du Café du Coin, il s’agit d’abord d’un « acte de soutien » tout en admettant que cela donne le « sentiment d’appartenir à une communauté ». Pas de doute, les « foodies » sont à la restauration ce que les « fashions » sont à la mode : d’ardents défenseurs de leur passion respective et fiers de l’être !
D’ailleurs, le merchandising de survie a donné des idées. « Il y a un véritable engouement et un public friand de ce genre d’objet », rappelle Pierre. Les amateurs de bonnes tables deviennent ainsi des hommes sandwichs et n’hésitent pas à porter les adresses et les numéros de téléphone des cafés sur la poitrine ! Ce n’est après tout pas plus vulgaire que de se balader couvert de logos de marques. De la bonne pub gratuite, d’autant plus que faire fabriquer quelques t-shirts avec son logo ne représente pas un risque financier énorme. La manœuvre est donc quasiment infaillible pour ce secteur qui se remet doucement.
Le t-shirt, le nec plus ultra d’une identité visuelle bien rodée
Il ne faut pas non plus écarter le côté direction artistique, symptomatique de notre temps où les réseaux sociaux sont rois. Tout le monde est chargé du développement de sa propre marque. Les lieux de convivialité vivent également sur les réseaux sociaux et le merchandising est la suite logique du renforcement de l’identité visuelle d’un lieu dans un secteur très concurrentiel. Même le Conseil Constitutionnel et le Sénat ont leurs boutiques souvenirs (avec des t-shirts) ! Quelque part, le merchandising parachève la mutation d’une simple adresse en entité institutionnelle reconnaissable par tous, comme l’ont su faire à un moment donné les marques de luxe.
Ce qui était donc des initiatives isolées sont désormais des collaborations très prisées. Il n’y a qu’à prendre l’exemple du restaurant Saint John’s de Londres, dont le merchandising est quasiment devenu aussi culte que sa cuisine. Après un premier essai avec la marque Service Works, ils viennent de lancer une nouvelle collection capsule avec Drake’s, la marque des dandy modernes, décrite comme « irrévérencieuse et informée ». Bref, un vrai art de vivre des pieds au palais ! Pareil du côté du centenaire et mythique Harry’s Bar qui signe une collaboration avec la marque Rowing Blazers. En revanche, les prix ne sont pas les mêmes, puisqu’ils avoisinent ceux des dîners de fête… mais si c’est pour la bonne cause et la bonne bouffe, on achète !
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Studio de l'ADN