# Économie
La folle histoire des voitures volantes
Publié le 2 juillet 2024 à 09h29
Alors que les véhicules volants semblent sur la bonne voie pour passer du rêve à la réalité, d’où provient cette idée ? Loin de l'imaginaire collectif nourri par la science-fiction, ces innovations technologiques doivent désormais prouver leur compatibilité avec les exigences écologiques.
Qui n’a pas rêvé de se retrouver au volant, ou à l’arrière, du taxi conduit par Bruce Willis dans Le Cinquième Élément ? Jusqu’alors considérées comme un rêve inatteignable, les voitures volantes commencent à s’élancer à l’assaut de nos cieux. Malgré quelques avancées technologiques qui permettent aujourd’hui à ces engins d’être plus sécurisés, certains s’interrogent sur la pertinence d’une telle innovation à l'heure où l’urgence climatique impose une gestion raisonnée des ressources énergétiques.
Un imaginaire solidement ancré
Depuis que l’humanité est passée des carrioles tirées par des chevaux au moteur à explosion, elle s’est posée cette question : « Et si nos véhicules pouvaient quitter la Terre pour s’élancer à la conquête du ciel ? ». En parallèle des progrès du secteur de l'automobile et de l’aviation, l'idée de combiner les deux pour faire décoller nos véhicules personnels apparaît dès les années 1920.
La littérature de science-fiction joue un rôle crucial dans l’ancrage de cette idée dans l’imaginaire collectif. Les maîtres de l’Âge d’or de la science-fiction rivalisent d’ingéniosité pour imaginer des dispositifs permettant à chacun de prendre les airs au volant d’un véhicule. Dès 1940, dans Les routes doivent rouler, Robert Heinlein envisage un futur où l'humanité, lasse des embouteillages et consciente de l'épuisement prochain des combustibles fossiles, développe des trottoirs roulants qui remplacent rues, routes et autoroutes. Le concept, qui permet aux voitures de circuler dans les airs, est poussé un peu plus loin en 1951, par Isaac Asimov, qui évoque dans son chef-d’œuvre Fondation des mondes entiers dans lesquels les voitures volent.
Mais celui qui marquera durablement l’imaginaire collectif, c’est Philip K. Dick. Dans son roman Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1966) à l’origine du film Blade Runner (1982), il décrit des paysages urbains peuplés de voitures flottant au-dessus des rues encombrées. Cet imaginaire cyberpunk irrigue tout un pan de la science-fiction et de nombreuses œuvres dans lesquelles les voitures volantes occupent une place centrale, parmi lesquelles Le Cinquième Élément (1997) de Luc Besson.
Mais tout n’est pas voué à devenir sombre ! Dans les années 1960, la série animée The Jetsons présente ainsi une famille américaine qui en 2060 circule dans de petits astronefs colorés. Les voitures volantes sont aussi des commodités de base dans le manga à succès Dragon Ball (1984). Mais l’icône insurmontable du véhicule volant du futur reste la DeLorean de Retour vers le Futur (1985).
Ces nombreuses représentations dans la culture populaire ont solidifié l’idée que les voitures volantes représentent un avenir possible, voire désirable. Cependant, la transition de l'imaginaire à la réalité impose des questions cruciales sur la sécurité et l'impact écologique de ces innovations.
Là où on va, il n’y a pas de route
Des questions qui n’ont pas empêché innovateurs et entrepreneurs en tous genres de donner corps au fantasme. Dès les années 1950, des pionniers de l'aviation tels que Moulton Taylor ont tenté de concrétiser la chose avec des prototypes comme l'Aerocar. Conçu pour être à la fois une voiture et un avion, le véhicule avait pour ambition de se transformer d’un mode à l’autre en quelques minutes. Bien que prometteur, ce projet n’a jamais dépassé le stade des prototypes.
Dans les années 1960 et 1970, plusieurs autres tentatives émergent, telles que la Convair Model 118 et la AVE Mizar, une voiture volante basée sur une Ford Pinto modifiée avec des ailes d'avion. Ces projets se heurtent à des problèmes de sécurité et de fiabilité, clouant au sol leur faisabilité commerciale. Malgré ces échecs, l’idée de faire décoller nos véhicules du bitume continue de captiver ingénieurs et inventeurs, alimentée par les avancées en matériaux composites, en technologies de propulsion et en automatisation.
L’arrivée des drones et des véhicules électriques au début du XXIe siècle donne ainsi un nouvel élan à ce secteur. Des entreprises comme Terrafugia, fondée en 2006 par des diplômés du MIT, parviennent alors à développer des prototypes fonctionnels comme le Transition, capable de se déplacer aussi aisément sur la route que dans les airs. De leur côté, Joby Aviation ou Uber Elevate investissent massivement dans des solutions de mobilité aérienne urbaine, avec pour objectif de déployer des réseaux de taxis volants dans les villes d'ici la fin de la décennie. La technologie VTOL (Vertical Take-Off and Landing), qui permet des décollages et des atterrissages verticaux, redonne aussi un coup d'accélérateur au secteur.
Hep taxi (volant) !
Parallèlement, des initiatives comme celles de la société allemande Volocopter se préparent à faire des démonstrations spectaculaires lors des Jeux Olympiques de Paris : des taxis volants sont censés transporter les visiteurs au-dessus des toits de la capitale. Une ville de Paris qui n’est pas en reste. En partenariat avec la région Île-de-France et la RATP, elle travaille activement à développer ce mode de transport. Les tests préliminaires, menés à l’aérodrome de Pontoise, ont démontré la faisabilité technique de ces engins, bien que des défis réglementaires et sécuritaires demeurent à surmonter.
Aujourd’hui, ces projets bénéficient de l’appui de grands constructeurs automobiles et de géants technologiques, transformant la projections science-fictionnelles en possibilité commerciale. Les avancées en intelligence artificielle, en navigation autonome et en gestion de l’espace aérien urbain sont autant de facteurs clés qui permettent selon leurs promoteurs de relever les défis auxquels leurs aînés se sont confrontés. Mais si le cabinet de conseil Morgan Stanley prévoit que le secteur des voitures volantes pourrait peser 1,5 trilliards de dollars à horizon 2040, la question peut se poser de savoir s’il est bien nécessaire, et raisonnable, de le développer. Après tout, conduire sa voiture sur le plancher des vaches pourrait suffire…
Auteur : Guillaume L
Crédit photo : Mehdi MeSSrro