# Culture & Loisirs

Sommes-nous perdus sans smartphone ?

Publié le 24 septembre 2024 à 09h39

Cycliste vérifiant son itinéraire sur son mobile
Cycliste vérifiant son itinéraire sur son mobile

Difficile d’imaginer notre quotidien sans smartphones, devenus indispensables pour tout, de la communication à l'organisation, et surtout pour nous orienter. À l’heure où Google Maps, CityMapper et Waze nous guident dans les moindres ruelles, il est peut-être temps de se demander si ces outils nous aident vraiment.

Cet été, difficile de passer à côté des cohortes de touristes déambulant dans les rues, les yeux vissés sur leurs smartphones, plus inquiets de ne pas rater leur itinéraire que d'admirer les merveilles qui les entourent. Ces voyageurs, arpentant des villes pourtant pleines d'histoire et de culture, semblent vivre dans une bulle numérique. C’était presque comique de les voir figés, paniqués à l’idée de détourner leur regard, de peur que cette minuscule balise lumineuse disparaisse, et avec elle, leur sens de l’orientation, qu'ils semblent avoir perdu en chemin.

 Il est vrai qu’en voyage, cette dépendance au GPS peut sembler excusable, surtout quand on se trouve face à des panneaux d’indication dans une langue étrangère ou un alphabet inconnu. Cette technologie est d’ailleurs une bénédiction pour bien des voyageurs, leur offrant une autonomie inédite et leur évitant l'embarras de devoir demander leur chemin en baragouinant dans une langue hésitante. Le simple fait de pouvoir se déplacer sans crainte de se tromper, de raccourcir les distances et de maximiser le temps passé à découvrir de nouveaux horizons semble être une véritable révolution. Cependant, tout cela a un prix : non seulement une déconnexion avec la réalité qui nous entoure, mais aussi une perte progressive de notre propre sens de l’orientation.

Nous devenons dépendants de nos appareils au point d’oublier comment lire un plan, ou nous fier aux indices que nous offrent les rues. Le GPS, aussi pratique soit-il, nous pousse à oublier que se perdre fait parfois partie de l’aventure, qu’errer dans des ruelles inconnues peut révéler des trésors cachés. Et surtout, il n’est pas infaillible. Qui n’a jamais vu son application perdre la trace ou indiquer un chemin erroné, nous abandonnant au milieu de nulle part ? Alors, peut-on vraiment tout miser sur cette technologie ?

Une dépendance croissante à la technologie

Les travaux récents suggèrent que notre dépendance aux smartphones et aux GPS modifie non seulement notre comportement, mais aussi notre cerveau. Une étude menée par l’University College de Londres a montré que les personnes utilisant régulièrement des GPS ont une activité cérébrale réduite dans l’hippocampe, la zone du cerveau liée à la mémoire spatiale. Lorsque des participants naviguaient sans aide numérique dans un quartier inconnu, cette région du cerveau était fortement sollicitée. En revanche, lorsqu’ils suivaient des instructions GPS, l’activité cérébrale diminuait considérablement, ce qui a mené les chercheurs à affirmer que les GPS rendent littéralement notre cerveau « paresseux »​.

Cette diminution d'activité n'est pas simplement une question d'effort mental. Selon une autre étude menée par Louisa Dahmani et Véronique Bohbot de l'Université McGill, les utilisateurs réguliers de GPS développent une moins bonne mémoire spatiale au fil du temps. Ceux qui se fient constamment aux applications de navigation forment moins de cartes mentales, ce qui les rend plus susceptibles de se sentir désorientés lorsqu’ils sont sans leurs appareils​.

Le GPS, en plus de nous épargner un stress au quotidien pour esquisser des itinéraires plus ou moins complexes, peut également nous éloigner de l'exploration active de notre environnement. Les chercheuses de McGill ont également montré que la navigation sans aide renforce non seulement les capacités cognitives, mais aussi notre connexion émotionnelle avec les lieux que nous traversons. En utilisant un GPS, nous ne faisons que traverser les espaces, sans les intégrer dans notre mémoire​. Cette dépendance technologique peut avoir des conséquences sociétales, nous éloignant de notre environnement physique immédiat.

Comment réapprendre à se repérer ?

Tout n'est pas perdu. Les experts suggèrent de limiter l’utilisation des GPS, en particulier dans les lieux familiers, pour permettre à notre cerveau de s’entraîner et de maintenir ses capacités spatiales. Se perdre, ou du moins prendre des chemins alternatifs sans l'aide de la technologie, peut devenir un véritable exercice cognitif, tout en nous incitant à observer davantage  notre environnement et à interagir avec les autres. En réapprenant à nous orienter sans aide numérique, nous pourrions donc renforcer notre mémoire mais aussi renouer avec des échanges plus humains, comme en demandant son chemin à un inconnu.

Alors, sommes-nous littéralement perdus sans smartphones ? Les données suggèrent que oui. Mais, comme toute dépendance, il est possible de retrouver un équilibre. Il est peut-être temps de débrancher le GPS et de réapprendre à lire une carte ou simplement d’aller vers l’autre pour trouver sa voie ! 

Autrice : Carla P

Crédit Photo : pixdeluxe/iStock

Partager