Un des coupables majeurs de la détérioration de nos aliments : le rancissement. Un phénomène qui se produit lorsque nos victuailles sont exposées à l'oxygène au fil du temps. Cette oxydation, affectant principalement les matières grasses et les huiles, peut créer des composés indésirables, altérant ainsi les saveurs et les arômes de la nourriture. À long terme, la consommation régulière d'aliments rances peut même engendrer des risques pour notre santé.

La solution traditionnelle à ce problème implique l'utilisation d'antioxydants, qui peuvent être d'origine naturelle (comme la vitamine C) ou fabriqués en laboratoire. Ces antioxydants sont essentiels car ils empêchent les aliments de devenir rances, tout en préservant leur goût et leur valeur nutritionnelle. Cependant, le défi réside dans la détermination de la meilleure combinaison d'antioxydants à utiliser et de la quantité précise nécessaire. Des erreurs dans ce processus peuvent entraîner une réduction de son efficacité, ce que l'on appelle "antagonisme".

Analyser, repérer, anticiper

C'est là que l'ingéniosité des systèmes d’intelligence artificielle entre en scène. L’IA, capable de traiter d’énormes volumes de données et déceler des schémas, a été déployée pour dénicher les combinaisons optimales d'antioxydants. De nombreuses start-up françaises se sont emparées de ce problème mais se consacrent également à l'ampleur du gaspillage alimentaire. Alors que 17 % de la production alimentaire mondiale est jetée, provoquant des émissions massives de gaz à effet de serre, ces solutions innovantes deviennent plus cruciales que jamais.

Dans le secteur de la vente au détail, la start-up française SmartWay a élaboré un système de gestion des déchets alimentaires qui permet aux détaillants d'identifier les produits approchant de leur date de péremption, les aidant à prendre des décisions éclairées concernant les remises ou les dons aux œuvres caritatives. Dans la restauration, des entreprises ont introduit des poubelles intelligentes dotées de systèmes d'IA pour analyser les déchets alimentaires, suggérant les quantités d'achat et anticipant les ventes à partir des données sur les déchets. 

Autre application de l'IA qui attire l'attention de nombreuses jeunes entreprises françaises : la surveillance en temps réel de la fraîcheur des aliments. On pense notamment à Orbisk qui cherche à aider les cuisines professionnelles (restaurants, cantines…) à maîtriser leurs gestion des déchets alimentaires afin de réduire le gaspillage. Cela grâce à un système vidéo et une capture d'images des déchets alimentaires.

Le grand chantier de Rungis

Pendant ce temps, Califrais, spécialiste de l'approvisionnement en produits frais depuis huit ans, continue de révolutionner son secteur. La startup a créé le LabCom LOPF (Large-scale Optimization of Product Flows) en partenariat avec le LPSM (Laboratoire de Probabilité, Statistique et Modélisation), composé de 200 chercheurs renommés. Le but de cette collaboration est d'intégrer l'IA au cœur du développement de la nouvelle plateforme e-commerce du Marché International de Rungis, exploitée par Califrais, Stef, et Webhelp. Cette initiative vise à imaginer des solutions écoresponsables et sociales pour optimiser les énormes flux du Marché de Rungis. Califrais est déjà reconnue pour son utilisation de l'IA, développant des algorithmes de machine learning sur mesure pour optimiser divers aspects de l'approvisionnement en produits frais. Ces technologies ont pour but d’anticiper la demande, et ainsi de proposer des produits au meilleur prix, tout en réduisant le gaspillage alimentaire.

Au-delà de la technologie, c'est une révolution culinaire en marche. En peaufinant la conservation et la distribution, l'IA pourrait bien être le chef d'orchestre d'un avenir où nos assiettes sont pleines et nos poubelles vides. La table est mise pour un futur gourmand et responsable.

Autrice : Carla P

Crédit Photo : Svetlana Vetushinskaya/iStock