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A la bonne heure : Breguet

Publié le 12 décembre 2022 à 23h00

À l’approche des fêtes, L’avenir a du bon partage avec vous chaque semaine l’univers littéraire d’un auteur de renom et celui d’un objet précieux. Cette semaine, on vous parle du poète et romancier russe Alexandre Pouchkine, et des montres Breguet. Exceptionnels mais encore méconnus, ces garde-temps de légende renferment pour autant les complications les plus étonnantes.

Le roman

Eugène Onéguine, Pouchkine (1831).

Cette œuvre de Pouchkine est écrite de façon singulière puisque l’auteur ne livrera pas un manuscrit d’un seul tenant, mais égrènera des chapitres année après année, entre 1823 et 1831. Inspiré par la richesse de la haute société saint-pétersbourgeoise, le roman campe un fils de bonne famille à la vie oisive. Pouchkine qui vient d’un milieu aisé, est assez confortable avec cet environnement, où l’on cherche davantage à tuer le temps qu’à gagner sa vie. Dans le texte, le héros Eugène Onéguine, jeune dandy blasé, coule ainsi des jours heureux en dispersant copieusement la fortune de son père. Bien mis, le désabusé promène dans la ville son ennui en espérant y trouver quelconque aventure qui puisse ponctuer son existence.

« Se rendant sur les boulevards, le dandy y flâne à loisir, jusqu’à ce que sa vigilante Breguet ne lui rappelle l’heure de midi ».

La manufacture

Si furtive soit elle, cette citation donne de précieuses indications sur la manufacture dont le grand Louis-Abraham Breguet est le fondateur. Celui-ci quitte sa région natale de Neuchâtel à l’adolescence pour effectuer son apprentissage d’horloger à Paris. Car oui, une grande partie de la compétence horlogère de l’époque est en France ! En 1775, il ouvre son atelier sur l’île de la Cité à Paris, Quai de l’horloge... 

Grâce à l’abbé Marie qui prend sous son aile ce jeune talent prometteur, il est présenté à la cour de Louis XVI forgeant ainsi sa première clientèle, impressionnée par ses inventions multiples. Forcé de quitter le pays aux sombres heures de la Révolution, il y revient dès 1795. 

De retour dans un pays qu’il ne reconnaît plus, il développe alors une clientèle étrangère et c’est en Russie qu’il rencontrera le plus grand succès. A telle enseigne qu’il ouvre un établissement à Saint-Pétersbourg en 1808. Mais il est contraint de fermer trois années plus tard lorsque le tsar Alexandre Ier impose un boycott de produits français sur le sol russe en riposte à la politique de Napoléon, un autre de ses illustres clients. Il s’éteint en 1823, à l’âge canonique pour l’époque de 76 ans !

Les montres

Inventeur entre autres de la reine des complications, le tourbillon, Breguet est l’une des plus nobles manufactures. De facture classique, les Breguet obéissent à des codes visuels très précis qui permettent de les distinguer à distance.

Le premier est le cannelage de la carrure (le côté de la boîte). Très agréable sous les doigts, ce travail lui confère une légère sophistication qui contraste fortement avec l’apparence simple des cadrans. Or en réalité, ceux-ci bénéficient d’un travail dit de « guillochage » (sculpture à plat de motifs géométriques) qui se joue de la lumière avec brio.

Le second est la forme des aiguilles. Cette petite sphère évidée constitue l’une des grandes signatures de la manufacture. Un signe qui en dépasse même les bâtiments puisque si l’on retrouve des aiguilles similaires chez d’autres horlogers, elles restent désignées comme « les aiguilles Breguet ».

Côté mouvement, rien à craindre. Il s’agit ni plus ni moins d’une des plus belles fabrications qui existent. De la plus simple version à deux aiguilles aux très spectaculaires « traditions à fusée-chaîne », l’éventail de choix est très large. A noter cependant que les montres dites de sport ou de plongée ne sont pas la spécialité de la maison qui verse plutôt dans le classique chic, de diamètre raisonnable (sous les 40mm). 

Enfin, pour les femmes, la forme ovoïde de la « Reine de Naples » (du nom de la cliente) est l’une des plus notables du secteur, et bénéficie des mêmes mouvements. Livrée en 1810, elle sera la première montre bracelet de l’histoire, un siècle avant que Cartier ne la propose aux hommes !

Si l’horlogerie est plus rare en littérature qu’au cinéma, elle raconte souvent davantage d’une époque. Son pouvoir d’évasion prend ici tout son sens. Chacun imagine volontiers cette Russie si proche des autres monarchies d’Europe, où la noblesse forme l’essentiel des grands clients. Breguet en sera d’ailleurs l’un des grands bénéficiaires, lui qui dès le départ se rapprochera des grandes cours. Par ailleurs, il faut garder en tête que la chose horlogère est l’un des grands marqueurs du pouvoir de l’époque. Non pas pour sa préciosité, mais l’ingéniosité qu’elle renferme. Celui qui possédait une complication prouvait ainsi à son audience toute sa modernité.

Auteur : Nicolas Salomon

Crédit photo : Breguet

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